Stress et irritabilité
L’irritabilité est une expérience que nous connaissons tous. C’est le trait de caractère des gens qui se mettent facilement en colère. L’irritabilité est désagréable pour l’individu et également pour ceux qui l’entourent. Elle abaisse le seuil de colère et augmente notre sensibilité aux stimuli internes et externes.
Des déclencheurs physiologiques tels que la faim, le manque de sommeil ou le sevrage de substances telles que la nicotine et la caféine ou encore des facteurs de stress psychologiques tels que des conflits interpersonnels peuvent la produire. Si l’on est sous stress physiologique ou psychologique, le fait d’être irritable peut indiquer, à la fois à l’individu et aux autres, que quelque chose ne va pas.
L’irritabilité peut permettre à l’individu de corriger certaines choses et ainsi de restaurer l’équilibre. Bien que désagréable, elle peut donc servir un but utile, analogue à la douleur. L’idée qu’un phénomène qui sert un but utile pour la santé puisse provoquer une altération de la santé, n’est pas nouvelle, comme l’illustre par exemple le modèle de la douleur du membre fantôme. Mais, lorsque l’irritabilité se produit dans le domaine de la psychopathologie, elle est encore mal comprise et manque d’une définition claire. L’irritabilité est en effet souvent la principale plainte des patients psychiatriques en quête de traitement, car elle provoque une détresse palpable due à la fois à l’expérience subjective d’être irrité et à l’impact que cela a sur la relation interpersonnelle de l’individu.
✍️ Irritability: An inability, or an ability? Bell E, Malhi GS. Aust N Z J Psychiatry. 2020 Dec;54(12):1232-1233. doi: 10.1177/0004867420977679.
Causes de l’irritabilité
Se sentir irritable est une expérience courante, à la fois dans l’état de santé et celui de maladie. Dans le contexte des maladies psychiatriques, il s’agit d’un phénomène qui se manifeste à tous les âges et provoque souvent une détresse et une déficience importantes.
⏩Dans les troubles de l’humeur, l’irritabilité est quasi omniprésente et joue un rôle central dans le diagnostic et pourtant, malgré sa prévalence, elle reste mal connue.
⏩Chez les enfants et les adolescents, elle peut être consécutive à des déficits dans le traitement des récompenses et des menaces, impliquant des régions telles que l’amygdale et le cortex frontal. En comparaison, chez les adultes souffrant de troubles de l’humeur, les quelques études qui ont été menées impliquent l’amygdale, le cortex orbito-frontal et l’hypothalamus.
⏩Actuellement, il n’existe pas de traitements spécifiques ayant une efficacité significative pour réduire l’irritabilité dans les troubles de l’humeur. Cependant, les traitements qui ont un certain potentiel et justifient une exploration plus approfondie comprennent des agents qui agissent sur les systèmes sérotoninergiques et dopaminergiques, d’autant plus que l’irritabilité peut servir d’indicateur pronostique de la réactivité clinique globale à des médicaments spécifiques.
✍️Irritability in Mood Disorders: Neurobiological Underpinnings and Implications for Pharmacological Intervention. Bell E, Boyce P, Porter RJ, Bryant RA, Malhi GS. CNS Drugs. 2021 Jun;35(6):619-641. doi: 10.1007/s40263-021-00823-y.
Les mécanismes de l’irritabilité
La recherche suggère que l’irritabilité phasique (accès de colère) peut être une construction distincte de l’irritabilité tonique (humeur grincheuse entre les accès de colère). Des études épidémiologiques sont nécessaires pour déterminer les seuils d’irritabilité cliniquement significative et permettre la rationalisation et l’intégration des diagnostics liés à l’irritabilité dans le DSM.
Elle est associée à la dépression, à l’anxiété et au trouble d’hyperactivité avec déficit de l’attention. Dans la mesure où elle est conceptualisée comme une réponse aberrante à la frustration et/ou à la menace, elle se prête à des recherches interspécifiques, c’est-à-dire que les réponses à la fois à la frustration et à la menace peuvent être évaluées chez les humains et les animaux en utilisant des méthodes parallèles. L’irritabilité chronique prédit la dépression plutôt que le trouble bipolaire. Les deux conditions sont associées à des taux plus élevés d’antécédents familiaux de dépression.
Il existe de plus en plus de preuves que de nombreuses formes de psychopathologie commencent tôt dans la vie, avec des problèmes apparaissant souvent quelques années après la naissance, et peuvent être exprimées comme une variété de problèmes cliniques au cours de la vie. L’irritabilité est l’un des prédicteurs les plus puissants de la psychopathologie ultérieure.
On retrouve des associations entre une irritabilité accrue et une activité fronto-striatale accrue lorsque les enfants tentent d’accomplir une tâche attentionnelle immédiatement après la frustration.
Détection de l’irritabilité
Une série de variables évaluées à l’âge de 3 ans prédit l’irritabilité à 15 ans. Ces résultats suggèrent que l’irritabilité de l’adolescent est caractérisée par des voies de développement distinctes à partir de 3 ans qui ont le potentiel d’entraîner un phénotype irritable à 15 ans. L’irritabilité chronique chez les jeunes est associée à une déficience grave et à des résultats défavorables, et il y a aussi un fardeau considérable pour leurs familles.
Le suivi du cortisol, marqueur essentiel du stress, présente un réel intérêt dans le cadre de l’irritabilité. Les résultats suggèrent que la variation de la pente diurne du cortisol influence les trajectoires de développement de l’irritabilité préscolaire. Cela souligne également l’utilité possible d’utiliser des mesures du fonctionnement du système de stress pour anticiper la direction que la psychopathologie ultérieure d’un enfant irritable est susceptible de prendre.
Une nouvelle approche psychothérapeutique de l’irritabilité expose progressivement l’enfant à la frustration en lui apprenant à augmenter ses capacités de contrôle cognitif afin d’être en mesure d’inhiber les accès de colère. Parallèlement, les parents reçoivent une formation leur apprenant à récompenser le comportement positif, mais non négatif, de l’enfant.
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